lundi 3 septembre 2018

Zone d'Ercheu, 3 septembre 1918 – Jean à sa mère

3-9-18

Ma chère Maman

J’ai reçu hier de bonnes lettres de Suzanne et de toi. Suzon me parle de communiquer ma dernière lettre [sans doute celle du 15 août] à Mme H. [Herrmann]. J’avoue que je ne me rappelle pas du tout ce qu’elle contenait. C’était un mot hatif de reconnaissance à ma sœur et je ne vois pas l’interêt qu’elle pourrait avoir autrement. Je me remets entre les mains de Suzanne. Ce qu’elle fera sera bien fait. Moi je n’ai plus qu’à attendre les évenements : la fin de la guerre, ou un geste de Mme H. En attendant ma situation sera toujours pénible ; je serai partagé entre la nécessité d’être très discret selon le desir des H [Herrmann], et l’ennui de paraître indifferent selon leur impression.

Je ne vois pas ces visites à Montpellier lors de prochaines permissions. Je les redoute presque autant que je les desire. S’il s’agit simplement de faire l’aimable dans un salon pendant une demie heure, ce n’est pas mon genre, et c’est une bien petite satisfaction…

Les visites d’A. [Alice Herrmann] à Cette ce serait autre chose, mais elles risquent d’être permises moins que jamais.

D’ailleurs tout est subordonné à la date de cette prochaine permission et je renonce à faire des conjectures.

Ne t’en fais pas pour moi d’ailleurs. Le P.C. du colonel est à 6 kil. des lignes nous pouvons manger, dormir et nous laver. Décidement ce n’est pas très glorieux d’être officier télephoniste.

J’espère qu’Hugo [Ekelund] pourra venir vous rejoindre quelques jours à La Salvetat.

Tu parles de grosses chaleurs. Ici c’est fini. Il fait un temps frais et agréable pour circuler sur l’immense plateau boisé où nous nous battons.

Je finis ma lettre avec mon masque sur le nez les boches venant de lancer quelques obus d’un gaz d’ailleurs assez inofensif. Le nouveau masque est d’ailleurs assez commode pour nous permettre de continuer notre correspondance où de lire des romans.

Tendrement à toi
Jean