Ma chère Maman
Nous voici au repos. Je suis resté en secteur quelques heures après la compagnie pour le passage des consignes. Nous sommes à quelques kilomètres des lignes dans un village qui a conservé quelques civils et une allure assez pacifique. Ce serait le repos s’il n’y avait pas l’exercice ; mais il y a l’exercice.
Source : collections BDIC |
Vraiment on pourrait laisser les poilus tranquilles. Chez nous tout l’effectif a veillé toute la nuit pendant 14 jours ce qui represente une somme reelle de fatigue ; et le lendemain de la relève à 5 heures du matin il faut s’agiter dans les champs. C’est toujours le même dilemme pour l’officier subalterne : ou bien prendre sa part de ces fautes de psychologie ce qui risque de nous enlever la confiance des poilus, ou bien laisser voir que nous désaprouvons ces ordres des chefs ce qui est mauvais et dangereux.
D’ailleurs j’aurais tord de me plaindre ; l’état d’esprit est toujours très bon. Ce qu’il y a d’épatant c’est de voir comme la classe 18 a été mise au pli par les anciens. Les nouveaux venus ont pris la même allure, la même langue ; ils sont aussi debrouillards que ceux qui sont là depuis 1914, et je suis sur qu’au prochain coup dur on ne fera pas la difference.
Il fait très chaud.
Nous faisons popote de bataillon. Popote un peu nombreuse et un peu bruyante. Nous chef de bataillon [le capitaine Dufour] ne sait pas maintenir la conversation à un diapason normal.
Je viens de recevoir la plaque d’identité. Très jolie. Merci beaucoup.