5/9/17
Maman chérie
Tu peux croire que le courrier de la
maison est attendu avec impatience, et lu avec avidité tous ces temps-ci. Je me
sens par avance une grande tendresse pour ce petit bonhomme. J’espère bien que
Suzon pourra le nourrir, et que sa venue ne sera pas marquée par toutes les
misères qui ont marqués celle d’Elna. Et Elna ! qu’elle doit être drôle
avec son petit frère ; ce sera excellent que tout ne tourne plus autour
d’elle. Comme c’est chic une nombreuse famille, et comme ça paye ceux qui en
sont dignes des souffrances que ça occasionne parfois.
Il me tarde bien d’être de nouveau
pour quelques jours avec vous ; mais ce ne sera probablement pas d’ici
quelque temps.
D’ailleurs je mène ces jours-ci une
vie très agréable ; le colonel Maurel commande la division pendant la
permission du général. Ça nous donne des loisirs et du repos d’esprit. Surtout,
nous ne sommes pas tenus toute la journée à notre table de travail, nous
pouvons faire la connaissance du secteur, ce qui a de l’utilité pour notre
service. Mon service à moi consiste surtout à envoyer du matériel et des
munitions en ligne. Plusieurs fois par jour de lourds convois de mulets ou de
voitures à bœuf partent d’ici pour les depots de l’avant avec des cartouches,
grenades, fils de fers barbelés, planches, madriers, etc, etc. Le mulet dans ce
pays-ci a remplacé en effet le chemin de fer.
Source : collections BDIC |
Source : collections BDIC |
Source : collections BDIC |
Source : collections BDIC |
Je te dis donc que je me promène pas
mal tous ces temps-ci, toutes les courses dans ce pays-ci sont des promenades.
Hier je suis allé en velo faire une courte visite aux Scheurer. Il faisait une
exquise journée, les avions s’en donnaient à cœur joie et le ciel était
constellé de la tache blanche des eclatements. Jean Monnier est arrivé pendant
que nous prenions le thé. Toujours extremement peu preocuppé des contingences
materielles. Il était embarassé de sa pompe de velo, qu’il gardait à la main,
ou sous son bras ou dans sa poche, et qui me donnait un terrible fou-rire.
Il m’a invité à dejeuner chez lui ce
matin avec [Albert] Dartigue et [Maurice] Roth. Je m’en rejouis car je n’ai pas
revu Roth depuis mon retour dans la vallée.
Et Rudy [Busck] qui se signale. Ça
me fait bien plaisir
Tendrement à toi
J. Médard