11/9/17
Ma chère Maman
J’ai enfin reçu de vos nouvelles,
une lettre du 4 et une du 7. Ce qui prouve d’une façon éclatante que le service
postal est mal fait.
Ne compte pas sur une permission
pour le moment. Il ne saurait en être question avant Octobre. Je suis bien
heureux de voir que tout se passe si bien pour Suzon. Je me figure mal ce petit
personnage de plus dans la maison, et pourtant il doit y tenir sa grande place.
Hier j’ai eu encore une après-midi
de liberté. A vrai dire, je n’ai rien à faire, c’est ce qui m’humilie le plus
dans mon nouveau métier. [Albert] Dartigue ne pouvait pas m’accompagner en
promenade, il preparait une fête dans son foyer pour le soir même. Je suis
parti seul en velo. J’ai rencontré un capitaine d’un bataillon de chasseurs de
la Division qui m’a abordé gentilment et a fait route avec moi. Il me
connaissait très bien, je ne sais pas par qui – m’a dit qu’il était petit-fils
de pasteur. Il s’appelle Samuel Weber[1]
– un nom que je connaissais et que je trouvais en effet très protestant.
Rentré j’ai essayé de travailler un
peu à un sermon, mais ça n’a pas marché. Je ne sais plus mettre deux idées bout
à bout. Il faudra pourtant que je m’y mette. Jean Monnier m’a demandé de le
remplacer un de ces jours.
Je te quitte, Maman chérie, pour me
replonger dans le désordre de mes papiers.
Très affectueusement à toi
J. Médard
[1] Weber, Samuel (1888-1918) : capitaine au 68ème bataillon de chasseurs. Mort pour la France.