samedi 21 mai 2016

Saverdun, 21 mai 1916 – Mathilde à son fils

Saverdun, le 21 mai 1916
            Mon fils bien aimé 

            Bien attristée je me suis couchée, hier, de ne pas t’avoir écrit hier. Vraiment cela m’a été impossible. Je ne sais comment m’acquitter de ma tache vraiment un peu lourde pr mes capacités. J’ai perdu l’habitude des enfants ; je n’ai jamais eu celle des enfants gâtés. Et sans bonne ! ce matin pr arriver à les faire déjeuner avant d’aller au culte, j’étais à bout de souffle. Suzanne ne rentre que Mercredi soir c’est encore long. Mais dès son retour je filerai : Vendredi sans doute et je m’arrêterai à Toulouse jusqu’au lendemain.
            Sans nouvelle de toi depuis Vendredi – ces deux journées sont mortellement tristes.
            J’ai eu un mot de Suzie ce matin avec une ravissante photo de notre Na. Que je suis heureuse qu’elle te l’ait envoyé ! tu en jouiras comme moi ! C’est tout à fait elle, elle me parait aussi fort developée, cher petit bijou comme elle est jolie !!
Source : Mémoire des hommes - Morts pour la France
           Je viens de causer avec Mme [Mathilde] de Larlenque qui m’a priée de te communiquer une chose douloureuse. La mort à Verdun de Jacques de Seynes que tu aimais beaucoup. Une âme d’élite m’a dit sa tante, qui donnait les plus grandes et les plus nobles espérances ! et l’avenir était en eux plein de promesses tu l’aimais bien je crois et sympathisais avec, lui sa sœur aînée [Alix de Seynes] vient d’épouser son cousin [Raoul] de Cazenove pendant un congé de celui-ci. La seconde [Bénédicte de Seynes] est mariée à un [Roger] de Luze déjà depuis le commencement de la guerre. Je ne le savais pas – et je suis sous cette impression douloureuse pas entrain du tout pour accomplir ma tâche. J’ai soif d’avoir de tes nouvelles.
                Bien vite je dois te quitter pr écrire à ta tante afin de lui donner des nouvelles de sa smala. A oncle Georges à qui j’ai promis aussi. Le petit Lilou ne veut pas quitter mes pas c’est plutôt gênant.
            Reçois mon chéri mes tendres bien tendres caresses.

Ta mère
Ecris moi à Cette.