samedi 2 décembre 2017

Willer-sur-Thur, 2 décembre 1917 – Jean à sa mère

2/12/17
            Ma chère Maman 

            Rien de très nouveau. Hier, à la nuit tombante je suis allé toucher ma solde dans un village voisin [Kruth[1]]. Je n’ai malheureusement pas trouvé l’officier payeur, mais j’ai passé quelques dizaines de minutes avec des camarades de regiment. Quand j’étais au regiment, cette fraternité d’arme, que j’appréciais, était loin de me satisfaire et je pensais avec melancholie à mes amitiés de faculté, aux bonnes heures d’intimité avec [Daniel] Loux, [Albert] Léo et quelques autres.
Source : collections BDIC
             Maintenant que j’en suis sevré, je sens toute la valeur et toute la douceur de cette fraternité, et je la regrette.
            Ce matin je suis allé au temple à Thann. [Albert] Dartigue préchait. Il a été excellent.
            Cette après-midi je me suis échappé une heure chez les Scheurer. Après-midi apaisante. J’ai trouvé Mme [Marie Anne Dollfus, épouse Scheurer] et Mlle [Antoinette] Scheurer au piano. Je leur ai demandé d’y rester. Elles m’ont joué des morceaux epatants, de Grieg, et les Nocturnes de Chopin que tu me joues ; je ne leur ai pas caché le plaisir qu’elles me faisaient.
            Le temps continue à être très beau ; de temps en temps une rafale de neige qui ne dure pas.
            J’ai reçu mon costume hier. Il est très propre mais malheureusement le tailleur a du avoir un moment d’absence en le retaillant, ou bien il a du croire que la vie d’Etat Major me faisait maigrir. J’ai toutes les peines du monde à rentrer dedans.
            Voilà ; je vais me coucher, j’ai très sommeil. J’ai eu une bonne journée aujourd’hui.       
Tendrement à vous tous 

Jean

[1] Le JMO du 132ème R.I. indique qu’il cantonnait à cette date dans la zone de Kruth.