mardi 21 novembre 2017

Willer-sur-Thur, 21 novembre 1917 – Jean à sa mère

21/11/17
            Ma chère Maman 

            Hier je ne t’ai ecrit qu’un mot de rien du tout, et j’ai peur que ce mot t’ai laissé de la tristesse. Je traverse evidement une des périodes les plus penibles que j’ai traversé depuis le debut de la guerre.
            Comme quoi le bien-être et même la sécurité comptent assez peu dans le bonheur.
            Je suis bien lâche, mais je n’ai pas le courage de demander à rentrer dans mon régiment. Il me serait repondu par un refus très brutal. Par exemple : « Attendez que je vous mette à la porte » ou quelque chose d’approchant.
            Je n’aime pas tenir tête. Le travail que je fais m’assomme et m’abrutit. Le seul delassement ce sont les ballades en secteur. Mais le mot ballade est bien impropre. Le colonel Maurel m’impose des « inspections ». Il convoque des officiers à 2 et 3 galons pour m’accompagner. Tout ce qu’il faut pour me rendre parfaitement odieux à moi et aux autres.
Source : collections BDIC
           Aujourd’hui nous devions partir le capitaine [René Récopé] de Tilly et moi, chacun dans notre coin pour une de ces tournées, mais la pluie s’est mise à tomber, nous resterons dedans.
            J’ai tord de te raconter toutes ces histoires-là, mais hier j’étais vraiment trop enervé, je n’y tenais plus. Aujourd’hui je suis un peu calmé et disposé à prendre philosophiquement ce qui n’est en somme qu’un ennui et une situation fausse.
            Je n’ai vu [Albert] Dartigue qu’en courant. Je ne vois plus personne. Avant-hier je me promenais en service ds le secteur du Cdt [Etienne] de Seynes. Il m’a invité à dejeuner. J’ai demandé la permission par téléphone… Elle m’a été refusée. Je n’ai pas vu Madame Scheurer [Marie Anne Dollfus, épouse Scheurer] depuis 12 jours.
            J’espère que Pierre ne vous donne pas des inquiétudes sérieuses.
Tendrement à vous toujours 

Jean