Quand la mission dont il [le colonnel Maurel] me
charge entraînerait un manque d’égards vis-à-vis d’un commandant de secteur ou
même d’une espèce de mouchardage, je fais le naïf. Alors il se fâche :
« Je
ne ferais jamais de vous un officier d’Etat-major.
–
Mais, mon Colonel, ce n’est pas mon ambition. Je suis un étudiant en théologie,
un petit curé, si vous voulez ; ma place n’est pas dans un état-major,
mais avec la troupe.
–
Votrrre place est celle où je juge bon de vous mettrrre ».
Pourtant cette expression l’a amusé et désormais il
m’appelle « le petit currré ». Un jour où je suis un peu cafardeux et
où je parle au duc de Trévise [Edouard Mortier] du caractère odieux de mon
chef, il me donne un conseil apaisant : « Vous avez tort de prendre
ça au tragique. Votre colonel est vraiment un phénomène. Etudiez-le.
Examinez-le comme on regarde un singe se gratter le derrière. »
Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre)