25/6/1917
Maman chérie
Je ne suis pas très bon
correspondant tous ces jours-ci : notre vie est très remplie, et puis, au
3ème bataillon il y a beaucoup de camaraderie, on est souvent
ensemble et on reste volontiers ensemble, mais ce qu’on gagne en camaraderie,
on le perd un peu en receuillement et en intimité avec ceux qui sont loin. Ici
nous sommes trop bien : aux douceurs du pays, du climat s’ajoutent les
agrements d’un petit centre. Nous avons même un cercle pour les officiers. La
population civile est très acceuillante. Le regiment lui temoigne sa
reconnaissance par des flots d’harmonie. Tous les soirs ce sont des concerts,
souvent des retraites, des fêtes ; etc. Il y en a trop. On a mis « la
Madelon » en musique et chacun souffle ça dans son instrument à qui mieux
mieux.
Hier matin j’esperais ecrire un peu.
Le colonel [Perret] m’a fait appelé et m’a envoyé à l’Infanterie prendre des
renseignements Je ne m’en plains pas : promenade très agreable dans une
très belle vallée, à cheval.
Demain nous faisons mouvement. Ça
tombe bien je reçois aujourd’hui une lettre de [Albert] Léo qui me recommande
ses hôtes d’autrefois[1].
Hier après-midi c’était
« concert ». Ça consiste surtout à degoiser un certain nombre de
monologues ou chansons + ou – grivoises et sales. Pourtant, si j’étais colonel,
je n’empecherais pas ces concerts, au contraire. Tu vois que je prends une
moralité elastique. Ce n’est pas une affaire de moralité, mais de morale :
les poilus rient, ils se detendent, ils oublient un moment leurs misères. Ce
qu’il faut regretter c’est qu’ils n’aient de gout que pour un spectacle pareil.
Hier soir ça me rendait malheureux. On sentait dans l’air comme un besoin de
noce, de fête crapuleuse.
Ce matin c’était revue et remise de
décoration par le general Cdt le corps d’armée.
Deux officiers de la popote étaient décorés de la Légion d’Honneur pour des motifs bien differents : l’un, un vieil ivrogne, parcequ’il est ancien, l’autre parcequ’il a été epatant, blessé il a ramené sa section 3 fois à l’assaut, fait prisonnier plusieurs heures il est parvenu à s’echapper, etc.
Merci pour ta bonne carte du 2.
Source : JMO du 132ème
R.I. - 25 juin 1917 |
Deux officiers de la popote étaient décorés de la Légion d’Honneur pour des motifs bien differents : l’un, un vieil ivrogne, parcequ’il est ancien, l’autre parcequ’il a été epatant, blessé il a ramené sa section 3 fois à l’assaut, fait prisonnier plusieurs heures il est parvenu à s’echapper, etc.
Merci pour ta bonne carte du 2.
Tendrement à toi.