jeudi 26 mars 2015

Sète 26 mars 1915 – Suzanne Ekelund à Alice Herrmann

Villa de Suède, chemin de la Caraussane
Cette le Vendredi 26 Mars 1915

Alice Herrmann
Lettre à Alice Herrmann
[annotation de la main de Jean][1]  

Ma bien chérie 

Je voulais t’écrire tous ces derniers temps et voilà qu’évènements sur évènements je n’en ai pas trouvé le temps.
Samedi il y a 15 jours nous avons appris le départ de Jean dans la nuit prochaine ; pour lui apporter au dernier moment un peu d’affection sans trop d’émotions j’ai conseillé à maman de rester et suis moi parti dans la nuit le voir encore une fois.
Le pauvre petit si enthousiaste si content d’être enfin là bas et espérant si fort faire du bon travail avec ses hommes n’a pas eu le temps de trop en faire ; avant-hier nous avons reçu une carte.
Aspirant Medard en traitement à l’hopital militaire n° 4 – Verdun
Désir exprimé par le blessé – Prévient sa mère d’attendre pour venir le retrouver qu’il puisse être évacué dans le midi.
            Et nous voilà dans les transes ; jusqu’à aujourd’hui sans nouvelles malgré toutes les demarches faites pour savoir quelque chose sur la nature de son mal.
            Aujourd’hui une dépêche du medecin chef : Plaie pénétrante de poitrine, léger mieux, moins de fièvre. Il put rassurer sa mère. Et une carte de lui écrite par un camarade. Ou il nous dit avoir été frappé à peu près en milieu de la poitrine par une balle qui a traversé le poumon droit pour sortir sous l’aisselle ecorchant un peu le bras ; très lucide, tachant bien de tranquilliser maman ; ne contenant aucun detail. Un soldat de son regiment pretend que le 18e sa compagnie a fait 6 attaques et subit 6 contre attaques. Je pense que c’est la que Jean a été blessé car il dit le pauvre « quand on a vu ce dont je sors on est encore étonné d’être comme je le suis.
            Maman a été tellement angoissée qu’elle est plutôt délivrée d’un poids. J’espère fortement malgré la gravité de la blessure. J’aurais infiniment envie de te voir avant ton départ et ferai tout mon possible pour venir un jour bien que craignant assez que ce soit impossible. Je suis en grandes réparations.

            Je t’embrasse très rapidement mais combien fort.

Suzanne


[1] Alice Herrmann, amie de Suzanne qui avait demeuré à Sète avant que ses parents ne s’installent à Montpellier. Si cette lettre a été conservée dans la famille, c’est tout simplement car le 28 août 1919, Alice Herrmann est devenue la femme de Jean.