mercredi 22 octobre 2014

Pont-Saint-Esprit, 22 octobre 1914 – Jean à sa mère

Pont St Esprit 22 Octobre 1914
Ma chère Maman 

J’ai reçu ta bonne lettre hier. Merci beaucoup. C’est tellement heureux de pouvoir s’écrire ainsi et avoir des nouvelles presque de chaque jour ; je jouis beaucoup de tout cela ces temps-ci  à la pensée que bientôt j’en serai sevré.
Demain deuxième piqure. J’espère qu’elle ne me fera pas souffrir plus que la première. La troisième dans une semaine je pense. Le départ est officiellement fixé par le Ministre pour la classe 14 vers le 10 novembre.
D’ici là d’ailleurs il y aura un peu de nouveau ds ma vie monotone. Le gouvernement va nous payer à 12 de nos camarades et à moi un petit voyage à Marseille. Eh oui ! C’est pour l’examen d’élève officier de réserve.
Presque tous des dispensés désiraient le présenter, soit une cinquantaine. Il n’était pas possible de nous envoyer tous à Marseille étant donné qu’il n’y a que 6 places par régiment. On a donc commencé par ns faire faire un petit examen préparatoire ici pour selectionner. On ns a donné une composition franco-historique à faire (Causes de la guerre actuelle ; situation politique des differentes puissances ; le tout à traiter ds une heure et demi). Je m’en suis tiré bon premier avec 19/20. Tu vois que ce sont des notes qui n’ont rien d’universitaire. Ensuite il s’agissait de prendre le commandement d’une section devant les commandants. Comme je ne m’étais jamais fait remarquer jusque là et qu’on ne m’avait jamais fait commander, j’ai été assez vaseux, pas assez cependant pour perdre ma place de premier.
Enfin, hier à 8 heures, le Colonel est venu de Privas pour donner son appréciation. Ds 3 ou 4 jours je partirai donc pour Marseille. D’ailleurs j’en serai quitte pour le voyage n’ayant aucune qualité militaire. Ici on ne nous a pas fait preparer du tout l’examen tandis que ds certaines autres villes les dispensés ne font que ça. Je pense que les dispensés du 55è reviendront bredouille. C’est du moins ce que nous a fait esperer le colonel.
Si par un hasard extraordinaire j’étais reçu, je pense que je ne resterais pas à Pont-St-Esprit. Mais quelle que soit ma nouvelle résidence, je n’y moisirai pas longtemps. Je partirai de toute façon le 10 comme les autres et comme les autres simples soldats, c’est là bas que je pourrais avoir + vite du galon (Marcel Péridier qui a passé l’examen final est encore sergent – Gueuillet a reçu de ses nouvelles).
Rien de plus à te dire. Je pense bien à toi à tes fatigues et à tes souffrances, et j’embrasse avec effusion tous mes chers Cettois.
 
Jean

            J’ai été très peiné par la mort de Roger Castelnau. Je l’avais apprise par « Evangile et Liberté ». Quel bonheur si Robert Leenhardt n’est que prisonnier. Donne moi toutes les nouvelles que tu sais sur ceux qui sont à la guerre.