samedi 30 août 2014

Sète, fin août 1914 – Mathilde à son fils


[Feuillet isolé, classé par Jean après la lettre du 29 août.]



[...] relief qu’elle ; j ai Karine [Karin Möller] avec moi et cela m’est une douceur et une force pr supporter bien des avanies qui parfois me feraient tout planter.

            Ton beau-frère a de nouveau un antraxe et souffre beaucoup. Suzie est très demoralisée car elle l’a fait soigner par le docteur Crémieux qui manque de précaution et de propreté dit elle.
            Hier elle était à la gare pour panser des blessés de passage. Elle s’est démenée pr en faire accepter un d’urgence à Cette un pauvre diable qui perdait tout son sang et s’en allait grand train ; elle a obligé le major à lui faire une piqûre d’ergotine et voudrait bien savoir ce qu’il est advenu de lui.
            Les moins blessés demandaient du pain. Le fort regorge de prisonniers Allemands il y a de pauvres diables qui n’ont pas l’air méchants parait-il et qui maudissent leur Empereur. La ville ne désemplit pas de troupes de passage : maintenant ce sont les noirs, des noirs comme je n’en ai jamais vus, le cirage bien noir n’obtiendrait pas ce brillant là et ils ont si peu l’air farouches ! Il faut leur toucher la main !! Ils veulent manger de l’Allemand…
            On les dirige vers Paris, il paraît. Pauvre capitale comme la voilà menacée, cela fait trembler. Allons ns assister à un terrible siège comme en 70 et aussi meurtrier ?
            T’ai-je dit qu’on avait eu des nouvelles de Lucien [Lucien Benoît, cousin germain de Jean] après les combats du 14, 15 et 16. Celui-ci effrayant, horrible ; aucune imagination ne peut le réaliser. De nuit, par la pluie diluvienne, ils ont ramassé leurs blessés et enterré leurs morts. Le 24 son beau [...]